03. Désir de comprendre

Questions à rebours


Mise à jour 2023-11-17 par Mathilde Ohm
05. Polysemie
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Septembre (semaine 39)

Il y a deux semaines, nous nous sommes exercés avec la suite définie par

     \begin{align*} u:&\,\mathbb{N}\longrightarrow\mathbb{R}\\ &\mathrm {Pour\; tout\; } n \geqslant 1, n\longmapsto  5 + 16(n-1) \\ \end{align*}

C’est-à-dire la suite (u)  qui commence par : \left( 5\right. ; 21 ; 37 ; 53 ; 69 ; \left. \ldots \right).
Cette semaine, la suite :

     \begin{align*} u:&\,\mathbb{N}\longrightarrow\mathbb{R}\\ &\mathrm {Pour\; tout\; } n \geqslant 1, u_{n+1} = u_n +16$  ; $ u_0 = 5 \\ \end{align*}

Et nous avons trouvé :
u_1 = 5 + 16 = 21,
u_2 =21 + 16 = 37,
u_3= 37 + 16 = 53,
u_4= 53 + 16 = 69
La succession des résultats est identique,  ce qui semble indiquer que la suite est la même dans les deux cas.
Deux façons de parler de la même suite : \left( 5\right. ; 21 ; 37 ; 53 ; 69 ; \left. \ldots \right), cela ressemble à des synonymes. Mais à y regarder de près, je vois que la première nous calcule immédiatement u_{123} :
u_{123} = 5 + 16 ( 123 -1) =  5 + 1920 = 1925
tandis que le deuxième mode de calcul fournit aisément le suivant de 1925u_{124} = 1925 + 16 = 1941.
L’exercice que nous avons résolu en classe,  commençait par une observation :
\dfrac {5 + 37}{2} = 21 ; \dfrac {21 + 53}{2} = 37 et nous avons montré par le calcul que terme de la suite (u) a pour valeur la moyenne arithmétique de son prédécesseur et de son successeur :
  u_n = \dfrac {u_{n-1} + u_(n+1)}{2} = \dfrac {5 + 16(n-2) + 5 + 16(n) } {2} = 5 + 16(n-1)

Puis,  nous avons étudié la méthode de Héron d’Alexandrie pour extraire la racine carrée d’un nombre.  J’ai pensé à Monsieur Narthex et son conseil de rendre présent à l’esprit, en représentant le calcul de la racine carrée de 7 sous forme graphique, pour se faire une idée. En gardant l’aire d’un rectangle égale à 7 on modifie les largeurs successives en  calculant la moyenne des deux cotés.

 

« Oui, tu vois, un petit dessin vaut bien un long discours. Cependant, tu remarqueras que ce chapitre ne se contente pas d’exposer la définition de la suite sous forme récurrence u_{n+1} = ... u_n ..., poursuivit-il, toi-même tu as rapproché cette expression de la précédente (explicite u_n = ... n ...). Ce que tu appelles synonyme.
Ton prof fait un lien avec le calcul de la racine carrée et nous pourrions faire beaucoup de liens avec d’autres idées.
Retournons, si tu le veux bien, au théâtre Xanadu. Saluons Jeanine qui ouvre le chemin et allons à la librairie qui longe le couloir d’entrée. Je te présente Irma Pince qui était bibliothécaire à Poudlard. »

Les étagères de la librairie sont surchargées.
« Bonjour, jeune fille.  Les mots ont un sens.  Est-ce une phrase vide de sens, ou une évidence qui tombe sous le sens ? Chaque  mot évoque un ensemble de connaissances qui y sont attachées. Chacun évolue dans un univers  qu’il  peuple  avec un bric-à-brac imaginaire, restes de lectures, de rêvasseries et de spectacles. C’est tout cela qui sert de référence pour comprendre tes nouvelles rencontres. Impossible de déchiffrer en s’isolant de tes autres lectures. Lorsque tu prends un livre au cdi ou chez le libraire, connais-tu l’auteur ? Cela ne t’empêche pas de te faire une idée personnelle. Pourtant, autrefois, les textes étaient lus en tenant compte de la société environnante. Garde en tête de retrouver à quelle famille appartient cette idée que tu rencontres, évite de la couper de ses racines.
Les informations qu’aujourd’hui, on appelle des data, des données-brutes. Mais données-brutes est un oxymore, comme un chaud-froid, un clair-obscur ou la réalité virtuelle. Fais des rapprochements, des liens pour que tes idées ne se perdent pas, qu’elles soient bien ficelées. »
Cependant, Irma Pince
n’est pas qu’un personnage moyenâgeux et poussiéreux : elle dit sa méfiance à l’égard de l’internet qui ne fait pas de distinction entre l’utile et le futile.
On ne voit jamais que ce que l’on est préparé à voir. 

« Il te faut googleliser tes étagères mentales, questionner sans cesse pour tirer la meilleure part de tes connaissances.  Depuis Socrates, dit-on, qui mettait dans l’embarras les notables et de leur prétendu savoir en leur soulignant leurs contradictions, les penseurs ont inventé toutes sortes de mode de réflexions : la déduction, passant d’une question à une autre, d’une affirmation à la suivante parfois en surmontant les contradictions ou en résolvant les énigmes comme celle que le sphinx pose à Œdipe : Quel animal marche à quatre pattes le matin, à deux pattes le midi et à trois pattes le soir ?
Bonne route, ajouta-t-elle, en nous raccompagnant vers la sortie. »

En rentrant à la maison, je pensais que je m’embraquais là vers un gros travail.

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