04C. En suite, refléter, matérialiser

Qu'en penser ?


Mise à jour 2023-11-17 par Mathilde Ohm
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Octobre (semaine 41)
Un nouveau chapitre est souvent l’occasion d’apprendre de nouveaux mots, de nouvelles expressions et de nouvelles représentations. Il n’est pas rare,  non plus,  que je  doive  reconsidérer ce que je pensais naïvement ou abusivement.

J’ai parfois l’impression que l’horizon recule au fur et à mesure que j’avance et que les mathématiques sont sans limite.
Et jusqu’en quatrième, au collège, « tangente » était  le nom  d’une ligne droite qui caresse un cercle sans le percer. Au point A de ce cercle,   c’est la droite passant par A  perpendiculaire au rayon (OA)

Rendered by QuickLaTeX.com

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… en classe de troisième, le mot  « tangente »  de l’angle \hat{A} désignait, alors, dans un triangle ABC rectangle en C,   le rapport du  côté opposé à \hat{A}  au  côté adjacent à \hat{A} : \pmb{\displaystyle \tan {\hat {A}}={\dfrac {BC}{AC}}}}. Pourquoi donc utiliser un même mot pour deux choses différentes ? Heureusement, pour m’aider à me souvenir, j’ai retenu que c’est le nombre \pmb{7\%}, affiché sur le panneau du code de la route,  qui  indique la mesure de la pente qui s’élève de 7 mètres pour 100 mètres. Cependant le panneau  me paraît ambigu et j’ai longtemps hésité à me  rapporter  au déplacement horizontal plutôt que sur la route elle-même,  en oblique ?

Le mot « tangente »  semblait donc avoir deux sens.Y-a-t-il un sens propre et un sens figuré  ? Est-ce le seul cas ?
Je me suis décidée à faire collection de mots à plusieurs sens en mathématiques. Pour l’instant, j’ai commencé avec
milieu (du cercle, d’un segment).
rayon, (segment [OA], mesure 5cm )
premier (nombre premier et premier nombre) ,
encadrer (une valeur, un résultat),
degré (d’un polynôme et mesure d’un angle),
racine (du polynôme, du carré),
parenthèses (factorisation, vecteur)
0…9 ( en tant que nombres ou que chiffres).
J’imagine qu’il y en a d’autres. Je compléterai ma collection plus tard.

Ma grand-mère m’a appris très tôt comment cueillir les étoiles : la nuit, il suffit de poser une bassine d’eau au milieu de la cour pour les avoir à ses pieds.
Le Ventre de l’Atlantique (2003). Fatou Diome (1968- )

Il me semble que ma carte de mémorisation ressemble à  cette bassine et que je commence à décrocher quelques bonnes étoiles et notamment ce point d’étude qu’est le nombre dérivé qui ne laisse pas capter du premier coup d’œil.

Au début, je ne voyais pas ce que <mysc>P’ti Roi</mysc> voulait dire par nombre dérivé. Je connaissais les produits dérivés du pétrole ou ceux des films de <mysc>Walt Disney,</mysc> je connaissais aussi les dériveurs légers, ces petits bateaux à voile pour avoir fait quelques jours en école de voile.

En classe, j’ai entendu :

« Quand on veut savoir la tangente en un point, ça revient à trouver la plus petite distance entre deux points … cela revient à calculer le coefficient de la droite »

en accompagnant cette description des gestes évoquant un dessin animé.
Mais le professeur a rectifié  et reformuler en disant :

 

On appelle tangente à la courbe de la fonction f au point A la droite passant par A et de coefficient directeur f'(a) = \dfrac{f(a+h) -f(a)}{h}

 

Oui. Je vois. Je vois bien. Enfin, il me semble… Cependant, cette idée résiste à se laisser rédiger. La tangente est une droite que je  peux visualiser dans une position limite en « faisant comme si » la sécante était animée d’un mouvement de pivotement autour d’un point ; il arriverait un « moment » où les deux points d’intersection viendraient à se confondre, c’est-à-dire à n’en faire plus qu’un.
Difficile de dire s’il s’agit de nommer quelque chose qui, jusque là, m’échappait ou bien s’il s’agit d’un langage qui m’impose de nouvelles idées pour penser à  reconnaître et à utiliser.
En revanche, ce que je constate c’est que cette succession : tangente au cerce -> rapport ->  proportionnalité -> nombre -> fonction affine -> coefficient directeur vue au collège, et maintenant, au lycée,  nombre dérivé, succession qui apporte chaque fois une nouveauté en s’appuyant sur l’idée précédente.
Ça se tient, mais c’est seulement maintenant que je perçois la continuité de ces étapes.
Un peu comme lorsque que l’on raconte une histoire ou chaque étape suppose de connaître l’étape précédente, comme c’est aussi le cas pour exposer des arguments et en mathématiques pour une démonstration.
Un texte sans contradiction interne est cohérent si,  au fur et à mesure que le discours progresse, chaque élément peut être rattaché à ce qui l’a précédé.

Certaines marques linguistiques [ ex : connecteur causal ( ainsi, par conséquent… ou adversatif ( mais, cependant…) ] paraissent jouer le rôle d’instructions de traitement, mais ici, l’évolution du mot tangente semble avoir été fait par à-coups.
Chaque moment est un changement de point de vue, un nouveau regard, parfois sous l’aspect d’un dessin, d’autre fois  une manière d’agir ou une nouvelle écriture.
Je commence à comprendre non seulement chaque  phase séparément, mais surtout en saisissant  la cohérence et en décelant  l’intention.
De plus, je me suis faite à l’idée qu’il faut non seulement se représenter la construction de la tangente en un point, mais qu’en plus il faut la rédiger, la mettre par écrit !
L’idée profonde de <mysc>Parain</mysc> est une idée d’honnêteté : […] « Mal nommer un objet, c’est ajouter au malheur de ce monde ». Il existe de gens qui ont toujours le bon mot pour rire et d’autres qui trouve  le mot juste pour comprendre.

Transcrire le dessin de la droite par une expression écrite, c’est former  son équation et cela suppose de déterminer sa pente (sa direction) et réclame une précision de langage le coefficient directeur. Alors qu’au collège, et même encore en seconde,  l’inclinaison de la droite semblait immobile, le  nombre dérivé, lui, semble introduire l’idée d’approche de l’infiniment petit, et donc de mouvement. <mysc>P’ti Roi</mysc> a évoqué le cours de la bourse

Deux fois rien ? Moins que rien ? En amour impossible de dire je t’aime presque, en mathématiques, il existe bien du presque zéro !

En cours de français, nous avons étudié Les pensées de <mysc>Pascal</mysc>, notamment les deux infinis. Pourtant,  je  peine à dire cette petite distance.
D’autant plus qu’on ne calcule pas réellement la plus petite distance mais plutôt  la pente de la droite c’est-à-dire un rapport.

Le vocabulaire qui devrait être  explicite et sans ambiguïté, s’avère douteux, même en mathématiques, avec le terme « tangente ». C’est le contexte seul qui fera choisir entre tangente de l’angle (pente) et tangente à la courbe mais surtout parce que parfois la droite tangente est aussi sécante comme dans le dessin ci-contre.

Pourtant le langage mathématique revendique la précision au moyen de définitions et de son formalisme. L’usage du français, contrairement au <mysc>Globish</mysc>,  lui aussi, a ses qualités et ses exigences.

<mysc>P’ti Roi</mysc> nous a fourni un lien pour matérialiser le calcul de la tangente en différents points de la parabole f(x) = x^2 -4x +1

Ainsi le mot « tangente » ne peut pas se limiter à un point puisque c’est la droite qui « caresse » la courbe. Une droite est définie par deux points et  se caractérise, s’exprime  par son équation [1]

Je dois reconnaître que je n’étais pas prête à regarder cette tangente comme cela. Changer de point de vue n’est pas facile quand on a des préjugés.

Jusqu’à présent, je pensais que les préjugés étaient un obstacle à comprendre une nouvelle idée. À l’évidence, mes préjugés sont, ici, plutôt comme une préparation à comprendre. Cela me semble comme une pré-compréhension et peut-être serait-il utile de ne pas rester fixé à l’idéal d’une connaissance dépourvue de tout préjugé. En fait il y a une histoire de l’effort de compréhension. c’est le recul du temps. la distance temporelle. qui permet de faire le tri entre les bons et les mauvais préjugés.

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1. L’équation, construite sur une égalité, est un outil pour résoudre certains problèmes alors que l’expression est l’une des formes sous laquelle se présente un objet mathématique, surtout numérique ou algébrique.